Jeudi 18 juin 2019 à 12h21 (GMT), pour la première fois de son histoire, le rendement obligataire à échéance 10 ans de la France est passé en territoire négatif à -0,0012 %. Cette situation va à l’encontre des fondamentaux économiques que nous connaissions jusqu’à présent : désormais, l’Etat se fait payer quand il emprunte de l’argent.
Ce cas de rendement négatif est loin d’être isolé : environ 1/3 de la dette souveraine des économies avancées se négocie actuellement à des taux négatifs sur le marché secondaire. Comment en est-on arrivé là ?
Le problème de la France, et plus généralement de la zone euro, réside dans sa croissance structurellement faible. Ses moteurs traditionnels - consommation et investissement - ont en effet pâti au cours des dernières années d’un faible niveau de confiance qui s’est principalement traduit par un excédent d’épargne et par conséquent une inflation trop faible. La Banque centrale européenne (BCE) mène depuis février 2016 une politique de taux zéro destinée à inciter les ménages à consommer et les investisseurs à investir dans l’économie réelle pour relancer la croissance et en définitive l’inflation.
La baisse des taux souverains découlant de cette politique monétaire accommodante a eu pour effet de réduire les dépenses gouvernementales associées au paiement des intérêts sur la dette des Etats. A titre d’illustration, en 2018 les charges d’intérêts nets sur la dette publique française s’établissaient à 1,7 % du PIB, soit une proportion identique à celle de 1984… quand le ratio dette/PIB était de 30 %.
Si cette situation est à court terme une bonne nouvelle pour l’Etat, puisqu’elle lui permet de « rouler sa dette » (emprunter pour rembourser les échéances précédentes) sans aucune difficulté et à moindre coût, elle ne l’encourage toutefois pas à assainir ses finances publiques sur le moyen/long terme. Dans son rapport du 26 juin dernier, la Cour des Comptes évoque « des évolutions préoccupantes de la dette publique », qui après s’être stabilisée en 2018, devrait croître de nouveau en 2019 « à rebours de nos partenaires de la zone euro »
Surtout, la Cour indique que « si la faiblesse des taux d’intérêts (…) et ses conséquences sur la charge d’intérêts qui en a résulté ont jusqu’à présent semblé rendre indolore la hausse de la dette publique, il serait imprudent de compter sur un maintien durable des taux d’intérêt à un niveau bas ». L’histoire nous enseigne que « les hausses de taux d’intérêt peuvent être brutales, surtout pour un pays comme la France » dont le niveau de dette est élevé (98,7 % du PIB).